N° 206 présentation par Claude Longre
Qu’y a-t-il de commun, se demandera-t-on, peut-être, en parcourant le sommaire, entre les différents articles du présent numéro ? Certes, L’Araire peut ouvrir, et c’est souvent le cas, des éventails variés et distrayants. D’autres fois, nos numéros dessinent des itinéraires plus ou moins capricieux aux quatre points cardinaux de notre petite région, ou au fil des siècles, de la préhistoire à l’Antiquité et, cheminant par étapes, jusqu’au temps présent (il va sans dire que ces dispositions sont souvent le fruit du hasard plutôt que d’un plan préconçu !). Ici, le cas est différent. On pourrait dire que les sujets traités reposent sur les révolutions (évolutions, ou mutations) – mais ne refermez pas ce numéro après avoir lu ces mots un peu austères et prétentieux ! Parcourez plutôt les lignes qui suivent, et tournez les pages : vous y trouverez votre récompense.
Tout commence après l’effondrement de l’Empire carolingien, qui correspond à la fin du haut Moyen Âge. L’autorité publique est prise en charge par des seigneurs locaux, et la féodalité se met en place au XIe siècle. Donc une première rupture, dont sont témoins ces petites collines presque insignifiantes que sont les mottes castrales, éléments de constructions qui annoncent les châteaux forts, et que l’on rencontre presque au détour des chemins, par exemple dans nos Monts.
Une seconde rupture, à un millier d’années de la première, cette fois-ci technique et économique, d’une importance considérable : le passage du feu (éclairage, puis gaz ou pétrole) à l’électricité, auquel nous assistons dans la commune bien connue de Craponne, avec l’installation et le devenir de son usine électrique, et, document rare, les vues photographiques de l’intérieur et de l’extérieur.
Autre domaine, qui se rapporte à la production agricole et à l’alimentation : le lait, vu à travers de courts récits personnels, avec en arrière-plan la préoccupation de l’hygiénisme propre à la fin du XIXe et au début du XXe siècle, puis la dure époque des restrictions et de la disette enfantine, pour passer à l’ère du productivisme laitier, conséquence de la crise alimentaire précédente, avec des aperçus d’une tradition qui persiste toujours, en dépit de la sélection bovine régnante.
Dernier aspect, et non des moindres, appelé par l’auteur « urbaniser les villages ». C’est là le phénomène mondial du développement des villes : mais ici, il s’agit du développement d’un petit village du Lyonnais, qui a su, à travers les décennies, en unissant de manière raisonnée toutes les dimensions de ce changement, garder à l’agglomération son caractère traditionnel en y intégrant les petits lotissements, les couleurs des maisons, l’architecture, à tel point qu’on ne peut parfois guère distinguer le bâti ancien des constructions récentes.
Par bonheur et pour votre plaisir, au sein de ces développements riches mais parfois savants, il s’est glissé une petite note de musique (sans doute baroque, car nous sommes sous le règne de Louis XV) très émouvante, que nous vous laissons la joie de découvrir.
Résumés des articles de la revue
La motte castrale à l’origine du château fort
Illustrée par deux exemples dans les Monts du Lyonnais de Paul Pelcé
Après la présentation de l’apparition, du rôle et de la construction des mottes castrales, l’article décrit deux de ces mottes édifiées dans les Monts du Lyonnais, sur le territoire de Saint-Martin-en-Haut et Duerne. Des croquis, auxquels sont jointes des photographies, reconstituent l’aspect que devaient avoir ces sites.
A Vaugneray en 1746 un contrat d'apprentissage peu courant
Claude LONGRE
L’héritier et donataire universel de ses parents doit réserver une somme de quarante livres à remettre à son frère cadet à sa majorité. Mais il veut financer sans tarder l’apprentissage du violon de ce frère, qui est malvoyant. L’article reproduit le texte du contrat d’apprentissage, transcrit en graphie moderne, et expose l’originalité émouvante de cette combinaison.
L'usine électrique de Craponne
Un exemple intéressant d’introduction de l’électricité dans une commune en pleine mutation artisanale et industrielle. Les initiatives locales de production d’électricité débouchent sur des contrats avec une société plus importante, la Compagnie du Gaz de Lyon. Un article très détaillé et richement illustré.
Chroniques autour du lait en Lyonnais (1905-2006)
Claude LONGRE
Une suite de tableaux évoque les rapports de l’auteur avec le lait : évocation de l’allaitement maternel, puis, de manière aléatoire, de l’évolution des techniques d’élevage, des temps de pénurie, de la productivité par la sélection et la « révolution » fourragère, pour s’achever sur l’image d’une tradition toujours vivante dans les montagnes proches.
Urbaniser les villages l’exemple de Saint-Genis-l’Argentière (1968-2020)
Françoise BAYARD
Présentant un exemple d’urbanisation d’un village, l’article retrace sur cinquante ans les origines et le développement détaillé de ce processus, qui intègre les initiatives, les préoccupations des maires, le travail précis des administrations, etc. On souligne le souci d’harmoniser l’architecture des lotissements à l’intérieur même du village. Reste la question des lotissements situés à l’écart du bourg.
la vitrine du libraire
Saint-Étienne – Histoire et Mémoire
Fidèlement, l’association stéphanoise Histoire et Mémoire fait parvenir à la bibliothèque de L’Araire ses publications. Celle reçue ce printemps, consacrée au quartier « Saint-Louis: du couvent des Minimes à l’église paroissiale », révèle un pan de l’histoire de Saint-Etienne ignoré de beaucoup. Au tout début du XIXe siècle, cette ville – qui n’est pas encore la préfecture de la Loire, à cette époque c’est Montbrison – est une cité industrielle. Par exemple, son bassin houiller est le plus important du pays, mais elle pâtit d’une urbanisation anarchique. Bien avant toutes les autres villes de la région, elle va bénéficier du talent de deux architectes, Pierre-Antoine et Jean-Michel Dal Gabio, oncle et neveu, venus du nord du Piémont. Soutenue par un maire volontaire, cette équipe va lancer un programme d’urbanisme ambitieux qui vivra son apogée à partir de 1818, sous la mandature du maire Hippolyte Royet. Alors, Jean-Michel Dal Gabio œuvrera en solo, son oncle ayant pris sa retraite d’architecte-voyer, avec la création d’une nouvelle voie, comportant un plan d’alignement des bâtiments, ceux-ci étant par ailleurs soumis à des contraintes architecturales. À Lyon et à Paris, il faudra attendre la seconde moitié du XIXe siècle pour voir engagés de tels travaux, avec le préfet Vaïsse pour Lyon et Haussmann à Paris. Jean-Michel Dal Gabio va aussi signer la construction de bâtiments emblématiques de Saint-Étienne : Hôtel de Ville, Palais de Justice… En note, dans cet article, il est écrit que notre architecte, qui a quitté Saint-Etienne pour Lyon après la révolution de 1830, est décédé à Oullins le 1er novembre 1852. Dans son avis de décès daté du 2 novembre, on lit qu’il est mort au domicile d’Antoine Perret, propriétaire à Oullins, alors qu’il habite un appartement de 7 pièces doté de 11 fenêtres, au 3e étage d’un bâtiment sis au 7 rue de la Préfecture, dont le propriétaire est Vingtrinier. Que faisait-il à Oullins ? Chez quel Perret est-il décédé ? En cette année 1852, deux Antoine Perret habitent à Oullins, l’un est cabaretier au bourg d’Oullins, l’autre est propriétaire cultivateur. Au-delà de la grande richesse de ce double numéro 280/281 du bulletin du Vieux Saint-Étienne, il reste cette énigme à résoudre. 64
« Artichauts et asperges à Vénissieux »
Christian Fougerouse ne cesse de mettre au jour des éléments surprenants et ô combien intéressants sur les pratiques culturales des siècles passés, ceci en décryptant des actes notariés. Les dates sont précisées, puisque son étude va de 1728 à 1942. Certes, celle-ci concerne une ville d’outre-Rhône, donc n’appartenant pas au Pays Lyonnais, mais rien n’interdit de penser que les cultures de ces légumes: les artichauts et les asperges, devaient très certainement figurer dans des inventaires des grandes propriétés que des notables lyonnais possédaient à l’ouest du Rhône. Cette étude révèle aussi que ces légumes étaient considérés comme un patrimoine, puisqu’ils étaient dûment cités sur les actes notariés au même titre que les descriptions de l’organisation des jardins. Ouvrage à découvrir à la bibliothèque de L’Araire à Messimy.
Bulletins de la Société d’Histoire d’Écully
Aussi ancienne que L’Araire, la Société d’Histoire d’Écully rend régulièrement compte du travail de ses chercheurs par la publication de bulletins. La fin d’année 2019 a vu paraître une analyse extrêmement détaillée du cadastre napoléonien de 1825. Sur cette carte, la commune compte 42 lieuxdits, une surprise ? Sans doute, car ces lieux-dits constituent un découpage serré de la commune, mais ce n’est pas la seule source d’étonnement, car les chercheurs ont réalisé une véritable autopsie de la géographie du territoire et ont passé sous le microscope la sociologie de ses habitants. Ce n’est pas un roman, mais un focus précis d’une courte période de l’histoire de la commune. Le numéro 114 de décembre 2020 est consacré à la description des changements intervenus dans les quartiers sud d’Écully du XIXe au XXe siècle. Ce pan d’histoire est fortement marqué par l’évolution des voies de circulation: 1879, arrivée du tramway, 1969, construction de l’autoroute, 1978, aménagement du Boulevard du Valvert et 1992, l’ensemble des échangeurs que localement les habitants ont désigné comme « le paquet de nouilles », destiné à assurer la liaison entre les voiries existantes avec le boulevard périphérique Nord de Lyon. Ces deux bulletins sont à découvrir dans la bibliothèque de L’Araire à Messimy.
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