Sommaire du N° 137
C’était déjà il y a soixante ans, le 6 juin 1944. Le débarquement de Normandie sonnait le glas de quatre années de deuil et d’oppression et les vers de Verlaine : « Les sanglots longs des violons de l’automne blessent mon cœur d’une langueur monotone… » faisaient renaître l’espoir dans le cœur du peuple de France.
Ce numéro spécial consacré à l’été de la Libération en Pays Lyonnais – du 6 juin 1944 au départ des troupes allemandes – a pour but de faire revivre l’ambiance, l’atmosphère, qui ont régné dans les villages au cours de cette période tragique, ainsi que les pricnipaux événements qui s’y sont déroulés. Soixante années ont passé. Le moment était venu de recueillir les souvenirs des témoins qui ont vécu cette tumultueuse époque ou de ceux qui en ont été les acteurs. Ceux qui avaient vingt ans en 1944 sont devenus octogénaires et dans quelques années, il sera trop tard pour faire parler cette génération.
Notre étude ne cherche pas à faire l’histoire de la Résistance dans le Pays Lyonnais. Cette histoire a déjà été écrite ; elle est de nos jours très bien connue grâce aux nombreux travaux d’historiens et de chercheurs. Je pense en particulier à ceux de M. Marcel Ruby, agrégé de l’Université et docteur ès Lettres, dont la thèse de doctorat : « Résistance et Contre-Résistance à Lyon » est une mine de renseignements inépuisable avec un index recensant plus de 3000 noms. Des résistants ont aussi publié des récits de souvenirs à la demande de leurs proches, mais leurs ouvrages n’ont malheureusement pas connu la notoriété qu’ils auraient méritée. Des tirages limités, une diffusion trop restreinte, ont laissé dans l’ombre ces pages de souvenirs héroïques. Deux d’entre eux appartenaient à notre région : ce sont Clément Fereyre, de Chazelles-sur-Lyon, auteur des « Chapeliers de Rodolphe » paru en 1978 et Joseph Besson – Bertrand dans la Résistance – auteur d’une « Chronique des années sombres » imprimée en 1983. Ces ouvrages sont quasiment introuvables, n’ayant jamais connu de réédition. Ils sont pourtant indispensables pour connaître l’action de la Résistance et sa participation à la Libération. Nous remercions vivement Mme Clément Fereyre et la famille de Joseph Besson de nous avoir autorisés à puiser dans ces ouvrages pour enrichir notre publication. Il ne faudrait pas oublier de nommer aussi Roger Chavanet – dit Guérin – qui a fait paraître « L’histoire des maquis de l’Azergues » en 1982.
Il faut bien reconnaître que la réalisation de notre enquête a été difficile et a suscité quelques réticences. Cette période de la Libération qui nous apparait si lointaine, est en réalité très proche. Des blessures ne sont pas fermées, des rancœurs ne sont pas oubliées, des haines ne sont pas enterrées. Dans les villages, la discrétion reste de rigueur ; on ne veut pas prononcer certains noms, soit pour ne pas blesser, soit pour ne pas réveiller de vieilles querelles. Le monde paysan avait été le pilier privilégié du régime de Vichy qui avait mis en valeur le travail de la terre et les vertus de la paysannerie. Le maréchal Pétain était resté pour beaucoup le vainqueur de Verdun et la Résistance n’avait pas recruté beaucoup de partisans dans le monde rural. Si le mérite des « vrais » résistants suscite toujours beaucoup d’admiration, il n’en est pas de même des « résistants de la dernière heure », venus tirer les marrons du feu, et certains sont tentés de faire l’amalgame. Il est des villages où les rapports entre maquisards et agriculteurs n’ont pas été toujours faciles, et on préfère ne pas en parler.
Ces réserves méritaient d’être signalées, car elles sont une réalité encore vivante. Néanmoins, il a été possible de rassembler des témoignages de grande valeur sur cette époque mouvementée. Le curé de N. -D. De Beaunant, l’abbé Pierre Maugé, a publié en 1944 dans son bulletin paroissial une petite chronique des événements vécus au jour le jour dans ce lieu d epassage où défilaient les troupes allemandes en déroute, après le débarquement de Provence du 15 août 1944. Il évoque en particulier le passage des « Mongols » qui fit régner la terreur dans la population civile. Une rumeur répandue comme une traînée de poudre racontait que des Mongols, portant uniforme allemand, traversaient le pays en pillant et en violant. J’entends encore ma mère recommandant à mes sœurs de ne pas sortir de notre maison de Soucieu, « car les Mongols traversaient Brignais ». Chaque village a connu ses événements et ses épisodes parfois tragiques : prises d’otage, bombardements, arrivée du maquis, installation du drapeau tricolore sur les bâtiments publics, escarmouches, représailles ou massacre comme l’horrible tuerie perpétrée au fort de St-Genis-Laval le 20 août 1944, dont l trace est restée dans toutes les mémoires. A St-André-la-Côte, un avion allemand lâcha une bombe sur le village le 14 août 1944, aux environs de midi, à titre de représailles contre le maquis de Larvin. Le projectile tomba dans le jardin de M. Tisson, endommagea des bâtiments agricoles et souffla toutes les vitres du village ainsi que les vitraux de l’église. Aussi de nouveaux vitraux furent-ils mis en place après la guerre, en 1946.
Grâce à l’aide des sociétés historiques du Pays Lyonnais, L’Arbresle, Brignais, Chaponost, Craponne, Millery, Mornant, Ste-Consorce, St-Genis-Laval, Taluyers, La Tour de Salvagny, une évocation vivante et riche d’informations de cet été de la Libération a pu être réalisée. Mille souvenirs sur le point de se perdre ont été récoltés. Je pense à cette famille qui a retrouvé dans ses archives un petit journal de la Libération de Tassin, tenu par la grand-mère de 71 ans, du 26 août au 4 septembre et pieusement conservé. La vieille dame avait pris soin de noter au crayon à l’intention de sa fille en lui envoyant ces souvenirs : « Je te recommande bien de ne pas abîmer ces feuilles… » Ce vœu a été exaucé. Ainsi apprendrons-nous que le lundi 4 septembre, la vieille dame a dégusté avec une amie une tarte aux pommes fondante et craquante, dont elle confie la recette. La Libération du pays méritait bien une bonne tarte !
Avec la publication de ce numéro spécial, nous aurons respecté « le devoir de mémoire ».
Résumés des articles de la revue
La nuit tragique
Par J. BESSON dit BERTRAND
Au cours d’un parachutage, un avion américain s’écrase près de Duerne. Il y a deux survivants : l’un succombe à ses blessures, l’autre est sauvé. Entre le 14 et le 16 août 1944, des groupes de Résistants, dont le commandant Mary et son état-major, sont logés en divers lieux de la région.
A la mairie... les trois couleurs
Par J. BESSON dit BERTRAND
Les mises en garde parviennent difficilement à freiner les Maquisards et la population, impatients de se soulever contre l’armée allemande en retraite. L’auteur évoque en tableaux contrastés (28 au 31 août 1944) des épisodes de la libération de St-Symphorien, de Villeurbanne, d’Oullins et de Lyon. L’armée allemande en retraite apparaît encore puissante.
Objectif : libération de Lyon
Par C. FEREYRE
Chazelles libéré, l’auteur se rend à Taluyers, au carrefour du Bâtard, pour une opération de harcèlement, le 29 août 1944. Il est heureux de servir d’agent de liaison, au péril de sa vie, avec une unité de parachutistes en embuscade à Taluyers, et relate une anecdote personnelle à ce propos.
Chronique de la libération de la vallée de Beaunant
Par P. VIOLAY
En quelques tableaux concrets et saisissants, l’auteur, curé de ND de Beaunant, retrace les événements liés au passage de l’armée allemande dans la vallée de Beaunant, du 27 août au 3 septembre 1944. Le souvenir du Magnificat final évoque la joie de la Libération.
Brignais - Printemps-été 1944
Par les Amis du Vieux Brignais
Témoignage oral d’une mère de famille sur la libération de Brignais en août-septembre 1944. L’originalité du document est due à l’évocation vivante du sort que connaissent aussi bien les combattants français que la population civile et même les ennemis. Atrocités et dénouements heureux sont rapportés avec sensibilité.
Chaponost - 1er septembre 1944 : prise d'otages
Par A. FERLAY, H. DANDEL et R. REMILLE
Le 1er septembre, les troupes allemandes, dont l’arrivée est redoutée, rassemblent jusqu’à 110 otages en divers endroits de Chaponost afin de protéger leur retraite. Des scènes émouvantes, voire héroïques, sont retracées. Par bonheur, il n’y a pas de morts, et Chaponost ne connaît aucun affrontement entre maquisards et Allemands.
Messimy - Bombardement de Quinsonnas - Nuit du 11 au 12 août 1944
Par M. PETAUD, A. -M. VILLE, D. GEAY et Y. GRANJON
L’article combine le témoignage de quatre personnes sur une des catastrophes caractérisant la dernière guerre. La description « vécue » de l’état d’esprit dans un hameau de Messimy où « la vie se déroulait apparemment normalement » contraste avec l’irruption des horreurs de la guerre dans ce cadre champêtre.
Messmiy - Eclats de grenade...
Par E. VACHER
Deux enfants de Messimy jouent avec une grenade abandonnée. L’explosion les blesse gravement. Ils sont sauvés grâce à la diligence d’une jeune voisine, blessée elle-même. Un accident traumatisant dont cette personne subit encore aujourd’hui les conséquences.
Millery - Cette année-là
Par P. PERRIN
Divers événements marquent l’histoire de Millery en 1944 : hébergement des gens de Givors fuyant les bombardements, attaque d’une colonne allemande grâce aux armes cachées dans une propriété, attaques aériennes de l’armée allemande qui ouvrent la voie aux troupes de De Lattre et de Diégo Brosset. « La France renaît ».
Mornant - 31 août 1944
Par J. FERRY
Une journée qui a marqué la vie d’une jeune secrétaire de mairie. Un officier de F.F.I. lui demande de dactylographier le rapport d’un combat victorieux qui s’est déroulé le jour même. L’auteur relate ainsi ses souvenirs personnels et un épisode important de l’histoire mornantaise.
Orliénas - La libération
Par M. BOUVIER
L’article contient différents développements. D’abord la tristesse liée au souvenir de la guerre, en même temps que l’ « immense espérance » de la Libération. Victimes civiles à Orliénas, exécution sommaire d’Allemands à Brignais, témoignage sur le massacre de Côte-Lorette à Saint-Genis Laval, réfugiés accueillis à Orliénas, accueil des soldats libérateurs, comités de libération.
Sain-Bel et ses environs - L'été de la Libération
Par M. BERTHAULT
L’article brosse un tableau de l’année 1943 : missions aériennes, atrocités allemandes, activité de la Résistance, arrivée à Lyon de De Lattre et de Brosset. On rappelle en une série d’images émouvantes divers événements marquants qui jalonnent cette période non seulement aux environs de Sain-Bel, mais aussi dans toute la région.
Saint-Genis-Laval 1944 - L'été de la Libération
Par l'ASPAL
L’histoire de Saint-Genis se recoupe avec celle des villages voisins. Des Saint-Genois prennent part au combat pour la Libération. Mais la commune est marquée par le massacre de 120 détenus au Fort de Côte-Lorette. On souligne l’action de Frère Benoît, qui dirigea les sauveteurs et chercha à apaiser les souffrances des familles.
Sainte-Consorce - L'été de la Libération en Pays Lyonnais
Par E. GREBERT et J. CAMUS
Dans un village relativement tranquille, à proximité duquel s’installent des groupes de Maquisards dès mai 1944, ont lieu deux événements dramatiques : le mitraillage d’un attelage de bœufs, et surtout la destruction de véhicules des F.T.P.-M.O.I., causant la mort de 27 d’entre eux par des avions alliés. Une explication est suggérée, mais reste peu vraisemblable.
Soucieu-en-Jarrest - Souvenirs d'un été
Par J. RIVOIRE
Les souvenirs personnels de l’auteur sont relatés de façon vivante : parachutage de fusées éclairantes, mitraillage d’un camion, escalade du clocher pour y fixer le drapeau tricolore. On évoque d’autre part le souvenir de deux jeunes résistants courageux, Micky Barange et Jean Naville, tous deux morts au cours de leur lutte.
Taluyers - Vers la Libération - Juin-septembre 1944
Par P. CHAMBON
Puisant dans des sources bien documentées, l’article retrace cinq jours de combats décisifs entre Taluyers et Montagny. Les actions sont relatées heure par heure. Les seuls répits ménagés dans ce récit haletant sont les témoignages vivants sur l’état d’esprit et l’état physique des combattants : héroïsme et humour.
Tassin- La libération
Par M. TRICHARD épouse SAVARIAU
Le journal intime d’une Tassilunoise relate la libération de Tassin. Une évocation touchante des soucis de la vie quotidienne, avec la peur des coups de feu et des représailles. Amies et voisines s’entraident pour survivre, et la fin des combats est fêtée par une magnifique tarte aux pommes.
La Tour-de-Salvagny - Un été qui a laissé des traces
Par P. BULTEL et S. FANJAT
Situé sur la Nationale 7, le village est un enjeu important. Les Allemands, ayant pris des otages, veulent l’incendier, mais sont arrêtés à temps par des habitants courageux. Enfin, les troupes remontant de Provence sont bloquées 10 jours par manque de carburant - ce qui a comme conséquence six mariages avec des Tourelloises.
Yzeron - Le 14 août 1944
Par A. HERNOUD
Un monument à un jeune maquisard tombé, Pierre Coleau, rappelle une embuscade qui s’est déroulée à un carrefour du village. Après la surprise, les Allemands se réfugient dans un chemin creux. Les survivants sont faits prisonniers. Les villageois s’enfuient par crainte de représailles, mais elles n’ont pas lieu.
RUPTURE DE STOCK
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