Sommaire du N° 155
La première guerre mondiale, qui se termina il y a maintenant 80 ans, n’a jamais fait l’objet d’un seul article dans la revue L’Araire, directement ou non, hormis une étude fouillée sur les Monuments aux morts. Ce n’est certainement dû ni au hasard, ni à une volonté délibérée. Si l’on compte dans la revue bon nombre d’articles ou d’analyses concernant la seconde guerre mondiale (1940, Résistance, lutte contre le génocide, Libération), cette absence de documents sur la guerre de 1914-1918 demande réflexion.
Certes, les combats et la guerre des tranchées se sont déroulés loin de notre région. Mais on sait que les affrontements aveugles de la première guerre mondiale étaient sans précédent, même pour ceux qui se souvenaient de la guerre de 1870, qui coûta bien des pertes humaines. Ces quatre ans de massacres, d’août 1914 à novembre 1918, ont laissé des traces profondes jusqu’aux temps actuels. Ainsi, des personnes que nous avions contactées pour l’élaboration de ce numéro ont refusé de fournir archives ou éléments d’articles, preuve que la disparition d’un si grand nombre d’hommes jeunes, surtout campagnards, n’a jamais été “acceptée”. Le souvenir est toujours vif, souligné et entretenu par les innombrables monuments, effrayants par le nombre de noms qui y sont gravés, jusque dans les plus petits villages. Et les célébrations de l’Armistice sont toujours suivies avec recueillement.
Mais une fois assumé le deuil public, les deuils familiaux restent d’autant plus sensibles qu’ils sont discrets et souvent cachés. Combien de lettres, de photos, et même de bouquets de fleurs séchées enfouis dans les tiroirs ! Comment supporter, aujourd’hui encore, la pensée que l’exploitation familiale fut privée pour plusieurs années, et souvent pour toujours, des bras des hommes jeunes, et que les vieux et les enfants durent maintenir coûte que coûte la production, une fois les chevaux de trait réquisitionnés ? Combien de garçons et de jeunes filles se sont épuisés et ont perdu la santé à travailler la terre, bien au-delà de leurs forces ? Et combien d’exploitations agricoles et de communes ont périclité et trouvé la ruine ? Qui se souvient encore que la culture du châtaignier, activité importante dans nos Monts, fut stoppée net par la disparition des castanéiculteurs du fait de la guerre ?
La prédiction du grand Quinson, né en 1780 et mort vers 1833 à Saint-Didier-sous-Riverie, illustre avec un siècle d’avance et sans équivoque une des conséquences majeures de la disparition d’une bonne partie d’une classe d’âge. Laissons la parole à Noël Delorme :
« Il avait l’habitude de prêcher en patois du pays. La prédiction la plus étonnante et dont nous pouvons garantir l’authenticité, la tenant de personnes dignes de foi qui l’avaient entendu raconter bien avant 1914, est celle qui concernait la guerre de 1914. Il avait en effet annoncé que lorsqu’une grande croix s’élèverait sur le crêt de Saint-André-la-Côte, une terrible guerre éclaterait, d’où il résulterait un si grand départ d’hommes que ceux-ci manqueraient dans les campagnes dans des proportions inconnues jusqu’alors, à tel point que lorsqu’une femme verrait passer un homme, elle irait annoncer à tout le voisinage : j’ai vu un homme. »
« Or lorsqu’on érigea en juillet 1914 la croix monumentale en fer qui marque le sommet du « Signal » de Saint-André-la-Côte, la bénédiction et l’inauguration de cette croix avaient été fixées au dimanche 2 août 1914, mais la mobilisation et la déclaration de guerre, survenues ce jour-là, rendirent impossible cette cérémonie, qui ne put être reprise qu’après la Grande Guerre. »
En le citant, nous désirons moins poser la question de leur valeur, dont nous n’avons pas à traiter ici, qu’en souligner la “sensibilité” prophétique. En effet, la formulation “J’ai vu un homme” révèle de la manière la plus immédiate qui soit la souffrance fondamentale des jeunes femmes de la campagne, et donc du peuple rural tout entier : où retrouver (trouver) un homme pour avoir une vie de couple, pour assurer l’avenir, élever ses enfants (avoir des enfants), poursuivre ou reprendre les travaux agricoles et artisanaux ?
Les quatre articles de ce numéro éclairent quatre aspects différents de cette guerre : un article statistique sur les morts de Saint-Martin-en-Haut, les difficultés d’installation de l’ambulance (centre de soins improvisé) de Vaugneray, la mort au front d’un jeune homme originaire de la même commune, et la chronique de Mornant au cours de la guerre.
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