Revue de l'Araire - N°165 juin 2011

Numéro spécial consacré aux Eaux de surface et sources en Pays Lyonnais.

Par une belle matinée d’été, un break s’éloignait du bourg de Chaussan et s’engageait au petit trot de son cheval sur la route sinueuse qui descend vers Mornant et son marché. Deux hommes, le curé, calé dans sa soutane, et son voisin paysan tenant les rênes, contemplaient d’un œil morne les prés jaunis et les feuilles pendantes des arbustes. « Ah ! le temps est sec, les récoltes seront maigres… mais à qui s’en prendre ? », déclara le curé, toujours prêt à défendre son apostolat. « Il y a de moins en moins de monde aux rogations ! Tenez, l’an passé, une poignée de personnes, et cette année, juste un paroissien ! Comment voulez-vous qu’il y ait de bonnes récoltes, dans ces conditions ? – Ah, monsieur le curé, rétorqua l’autre, mais il ne faut pas dire « les rogations ! ». Vous voulez parler de l’irrigation ? ».

Cette petite histoire villageoise nous conduit à nous demander si cette confusion est si ingénue qu’il paraît. Les rogations appellent sur les cultures une grâce qui est en principe celle de la pluie fertilisante. Avec l’évolution des techniques agricoles et des mentalités, toile de fond de notre historiette, l’irrigation assure des résultats plus garantis que la prière adressée au Dieu des champs et des récoltes. Et notre paysan, en fin de compte, semble plus fin que ne le laisse supposer le récit : aux hasards d’une invocation rituelle, il préfère la sûreté de la technique et le fait sentir avec doigté à son compagnon.

Nos deux Chaussanais nous ont donc introduits dans la thématique du présent numéro, plutôt par le biais du manque d’eau que par celui de son excès. Et de fait, mis à part les débordements de l’Yzeron, de la Brévenne ou de la Coise dans les basses vallées, l’eau est rare et précieuse en Pays Lyonnais, et les efforts humains consistent à la retenir pour irriguer – « arroser », disait-on jusqu’au milieu du XIXe siècle – les prés et les cultures au bon moment. Au fil des pages, le lecteur verra se succéder des procès pour l’alimentation en eau, des octrois d’abénévis, des partages de l’eau effectués devant notaire, des techniques oubliées de drainage et d’irrigation, des testaments, estimations, répartitions et calendriers si détaillés et pointilleux qu’il lui semblera peut-être découvrir un univers insoupçonné.

Rôle de l’eau : elle garantit non seulement, par sa bonne utilisation, récoltes et nourriture, mais elle travaille pour nous par son mouvement même. Citons une phrase de l’article « Si l’eau qui court… » de Marie-Thérèse Lorcin à propos du Garon au XVe siècle, « la rivière la plus méritante du Lyonnais », selon ses propres termes : « Ce cours d’eau long de 31 km irriguait alors 122 ha de terrain et faisant tourner 18 moulins et battoirs. » Le Garon, ouvrir, ami et bon génie qui ne ménage pas sa peine et ses dons !

Mais la matière est si abondante que le présent numéro menaçait de déborder. C’est pourquoi, pour parer à ce déluge, nous avons pensé à un exutoire, futur numéro « bis », où, parmi différents articles, on parlera des « retenues » ou « lacs collinaires », technique récente qui marque nos paysages, des boutasses anciennes, et de bien d’autres choses encore.

Ici comme ailleurs, l’eau est partout domestiquée. Et là où elle ne se prêtait pas à l’exploitation agricole, dans ce que l’on appelle aujourd’hui les « milieux humides », on l’a fait disparaître au fil du temps. Tant qu’on y a récolté roseaux et laîches pour les toits et la litière des bestiaux, leur utilité leur a permis de survivre, mais ils furent condamnés dès que les usages changèrent. Ils ne subsistent, mélancoliquement, que dans les noms de lieux : les Flaches, les Saignes, les Mouilles…

Quant aux sources, elles restent souvent mystérieuses. Il y a des résurgences, dont certaines viennent de très loin ! Il y a des sources thermales, exploitées depuis longtemps ou oubliées. Certaines font la fortune des alentours, d’autres, rêveuses, gardent l’écho d’époques brillantes, mais révolues.

Laissons maintenant le lecteur voguer en pensée sur ces petites surfaces liquides fluentes ou stagnantes, boutasses, serves, gouttes, béals et rases. Que ces quelques articles illustrent à ses yeux le lien à la fois vital et poétique entre les humains et l’eau.

Claude LONGRE

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