Sommaire du N° 204 Claude Longre et de Jacques Rivoire
Dans les villages de la Région Rhône-Alpes, les batteurs au fléau rythmaient leur tâche en chantant une chanson de battage intitulée « Quand mon grand-père... ». Chaque strophe commence par une tâche : mon grand-père semait son avoine, la hersait, la roulait, la visitait, la fauchait, la battait (et j’en oublie), mais arrivé au moulin et au four, il « faisait moudre » et « faisait cuire ». La meunerie et la boulangerie étaient deux tâches confiées en principe à des artisans ou tout au moins à des spécialistes. C’était là la limite de cette autarcie qu’on a tôt fait d’attribuer à l’économie paysanne des temps passés !
Mais il faut « apporter de l’eau au moulin » ! Un ancien numéro de L’Araire, édité sous la direction de Jacques Rivoire, fournit, à propos des moulins situés sur plusieurs cours d’eau du Lyonnais, des tableaux assez impressionnants des périodes de chômage dues aux basses eaux, allant jusqu’à six mois, et bien rares sont ceux qui tournent toute l’année. La polyculture est la règle, chacun a besoin de farine ou de gruau pour la nourriture et celle de ses bêtes, et les moulins se suivent sur le moindre ruisseau, presque sur le moindre ru, attendant, pour faire tourner la roue, que l’écluse soit remplie, ce qui donne souvent un temps de fonctionnement très limité. Parcourez les articles qui suivent !
L’eau, qui s’écoule en surface dans nos terrains cristallins, est souvent l’objet de litiges entre les meuniers, qui captent l’eau dans leurs biefs, et les paysans, pour qui elle est nécessaire pour l’irrigation des prés. « Labourage ou pâturage », plus précisément nourriture des hommes ou du bétail. Il y aurait sans doute bon nombre de procès à trouver dans les archives. Il n’est que de parcourir les procès d’intention qui concernent le projet de construction du canal du Gier. Et Dieu seul sait l’utilité - la « multifonctionnalité », pour employer le langage des ruralistes - des moulins !
L’énumération faite à propos du canal du Gie rest éclairante. Si le projet aboutit, « plus de 20 paroisses se trouveront presque sans ressources pour faire moudre leur bled, surtout les pauvres qui n’ont pas les moyens d’avoir des grosses provisions ni des voitures pour porter le grain au moulin sont obligés de le porter au cou. Pour remplacer aussi une fabrique unique en France pour moudre les bois de teintures des Indes dont l’établissement a coûté des sommes considérables très utile aux teinturiers de toute espèce, des foulons pour les draperies, des moulins ou battoirs à chanvre et à huile et pour égruer l’orge et avoine nourriture très nécessaire aux travailleurs de terre, des batteries pour les écorces d’arbres propres aux tanneries dont voici l’énumération depuis Rive de Gier jusqu’à Givors » etc.
Il est intéressant de voir la relation étroite qui existe entre les moulins et les industries locales, en particulier l’indiennerie, qui connaît un grand succès à l’époque. On peut ajouter à cette énumération les moulins à martinets de forge et le moulinage du fil de soie, deux industries importantes de la région. N’oublions pas le sciage de long - mais ne commettons pas l’anachronisme de parler d’un à-côté réel : l’obtention du courant électrique domestique, en attendant l’électrification de la commune !
Mais aujourd’hui, ce qui nous fascine dans les moulins, outre la représentation traditionnelle, empreinte de mystère, dans les contes, les chansons, les gravures et les tableaux, c’est la beauté et le charme des lieux, que Jacques Rivoire évoque dans le numéro cité : « Cette enquête a été pour moi l’occasion de très nombreuses sorties champêtres et m’a conduit dans des lieux que j’ignorais complètement. Il est vrai que les moulins se cachent souvent sous la verdure, dans des coins écartés en bordure de rivière, ou dans de petites vallées où les routes ne pénètrent pas. Mais, presque toujours, la récompense valait bien le détour. Ainsi le moulin du Pêcher, situé en limite de Saint-Martin-en-Haut et de Duerne, est niché dans un petit vallon plein de verdure et de fraîcheur. Le moulins s’est arrêté de tourner en 1947. Le dernier meunier, M. Crozier de Saint-Martin-en-Haut l’a vendu à des citadins qui y coulent des jours heureux à la belle saison. »
Place maintenant à la lecture de ce numéro spécial, qui est, soulignons-le, destiné à accompagner l’exposition de l’Araire sur les Moulins en Pays Lyonnais. Après trois articles d’introduction, vous pourrez parcourir le pays du nord au sud et de l’est à l’ouest en quinze articles où s’égrènent quelques vingt villes et villages et où murmure un nombre correspondant de rivières et ruisseaux.
Résumés des articles de la revue
Les moullins, de l'antiquité au milieu du XXè siècle
Par Henri BOUGNOL
Une brève histoire du moulin hydraulique en France, depuis le bel exemple romain de Barbegal en passant par le développement à l’époque mérovingienne et au Moyen Âge. Des précisions concernent les moulins de notre région avec l’explication de certains termes : bief, écluse, battoir, rhabillage etc.
Moulins et meniers
Par Tony et Janine KOCHER
Une agréable description d’une journée de meunerie, combinant, non sans humour et vivacité, les témoignages du meunier, mais aussi de l’épouse, qui le seconde. Des détails intéressants : l’étamine du blutage fabriquée à Panissières, et l’explication (enfin !) du fameux tic-tac du moulin.
Pourquoi avoir utilisé le cadastre napoléonien
Par Michel CROZIER
L’utilisation du cadastre napoléonien est adaptée aux recherches sur les moulins anciens. Sa création a répondu au besoin d’unification des mesurages et des impôts sur le territoire du pays. Son établissement s’étend sur quarante années, à partir de 1808. Un corps de géomètres est créé pour mener à bien « ces travaux gigantesques ».
Les moulins de l’Arbresle
Par Pierre FORISSIER
Une description détaillée des moulins de l’Arbresle, accompagnée de documents anciens, de belles illustrations et de schémas détaillés. Au confluent de deux rivières, l’Arbresle apparaît comme un trésor de moulins anciens, dont l’article nous offre une visite dans le temps et dans l’espace.
Le moulin des Hurieux ou moulin Couturier
Par Daniel BESSON
Un article d’un grand intérêt. Sur plus de deux siècles, au fil des générations d’une même lignée, nous suivons les changements techniques et l’évolution du métier. Les différents détails sont décrits avec clarté comme au cours d’une visite. Il en reste le désir de restaurer le moulin et de le remettre en marche.
La Coise et ses moulins
Par Claude LONGRE
Les nombreux moulins de la Coise ont laissé peu de traces visibles et sont pour la plupart des souvenirs. Le dernier d’entre eux est par bonheur resté intact. La meunerie est représentée aujourd’hui par deux moulins modernes qui font de la farine bio à côté des aliments pour bétail.
Les moulins de Courzieu
Par Marie-Jeanne ESPEJO
Une recherche détaillée sur les moulins à farine et à huile situés aussi bien sur la Brévenne que sur les divers ruisseaux qui se trouvent sur les pentes. L’article évoque leur histoire, l’évolution des techniques, les propriétaires successifs, et aussi les traces dans les mémoires et les archives des moulins disparus.
En lyonnais, les moulins dans les documents des XIIIe et XIVe siècles
Par Claude LONGRE
Les documents fiscaux de l’Ancien Régime, ici du moyen-âge, sont une source récieuse de renseignements. Ainsi, on peut établir en étudiant les livres terriers des XIIIe et XIVe siècles l’existence très ancienne en Pays lyonnais de moulins, certains étant sans doute des moulins à vent.
1788, une paroisse sans moulins
Par Claude LONGRE
Nous partons de la triste situation d’une paroisse située au pied des Monts du Lyonnais en matière de moulins pour arriver aux moulins de Lyon, auxquels elle a souvent recours, à leur organisation, à leur technique et aussi à leur fragilité, entre le XVIe et le XIXe siècle.
Yzeron : du moulin Chirion à son dernier meunier, Jean Radix
Par Daniel PUGEAT
Des trois moulins indiqués sur le cadastre napoléonien à Yzeron, il en a subsisté un, le plus ancien. Après avoir énuméré les différents propriétaires et tenanciers depuis le XVIIe siècle, l’auteur décrit la personnalité exceptionnelle du dernier meunier, qui y travaille pendant plus de quarante ans, jusqu’en 1985.
Les moulins du ruisseau des Planches
Par Andrée POSSETY
Voici trois moulins sur le ruisseau des Planches, à Écully et Tassin-la-Demi-Lune, dont l’un nous fait remonter jusqu’au roi Louis XI. Une histoire variée, parfois émouvante, qui se prolonge jusqu’au XXe siècle, qui nous fait parcourir, le long d’un ruisseau souvent caché, le passé rural d’une zone urbanisée qui le recouvre.
Au fil du fleuve à Sainte-Foy-lès-Lyon
Par Andrée POSSETY
Quatre moulins, dont trois illustrent l’utilisation de la force motrice duRhône à Sainte-Foy-lès-Lyon. Deux époques différentes, l’une des chanoines-comtes
de Lyon, l’autre de la fin de l’Ancien Régime, et enfin un moulin« terrien » qui a fonctionné jusqu’au tarissement de son cours d’eau. Unarticle d’une variété attrayante.
Le moulin des Robertières, du Gaud ou de la Giraudière
Par Jeanine GILARDONE
Le Garon, même « ni navigable ni flottable », joue à Brignais un rôle vital.Pour cela, conflits et procès concernent l’utilisation de l’eau irriguant les prés mais aussi faisant tourner les moulins. Un bel exemple dans cet article pourillustrer un aspect essentiel de la vie de la meunerie.
Les moulins en Barret
Par Claude LONGRE
Dans un vallon verdoyant, une maison, appelée château, et deux moulins, l’un disparu, l’autre abandonné, situés non loin d’un aqueduc antique, formaient un tableau attrayant. Comme dans la plupart des moulins, meuniers et propriétaires se sont succédé presque en cascades.
À Saint-Maurice-sur-Dargoire et ses environs (Chabanière)
Par Andrée POSSETY
Le ruisseau le Bozançon, long d’une dizaine de kilomètres, est ici étudié par l’auteur et une équipe de chercheurs, qui grâce aux cartes et aux archives, y retrouvent plusieurs moulins et deux lignées de meuniers. Une belle promenade-découverte dans un environnement discret et varié.
Les moulins, entre canal et rivière du Gier
Par Andrée POSSETY
Le Gier connaît différents bouleversements entre les années 1760 et aujourd’hui. La construction du canal destiné au transport du charbon exige de multiples emprises et fait craindre la disparition des moulins. Puis la voie ferrée et enfin l’autoroute changent le profil de la vallée. Heureusement, les cartes nous font retrouver la trace des quelques anciens moulins.
Au territoire du Broulon autrement dit la Combe du Mas le moulin du baron de Montagny
Par Christianne LOMBARD DEAUX
A la limite de Montagny et Chassagny, là où la carte de Cassini indique l’existence de quatre moulins, la présence d’un moulin important est attestée du XVIe siècle au début du XIXe. L’étang d’alimentation est toujours là. L’article présente la série des tenanciers, des propriétaires, le montant des droits, les tarifs etc.
Les moulins du Mornantet
Par François ZACHARIE
Nous suivons, sur une petite vingtaine de kilomètres d’une rivière torrentueuse, le devenir de huit, puis six moulins, dont les deux derniers disparaissent, l’un après sa transformation en une tannerie qui ferme à cause de la pollution, et le dernier en dépit de ses efforts de modernisation.
Les moulins de la Mouche
Par A. Possety
Une petite rivière, qui traverse trois communes aujourd’hui urbanisées avant de rejoindre le Rhône, a fait tourner de nombreux moulins. La qualité de ses eaux, de température constante, a été utilisée entre autres pour la fabrication du papier. L’article en énumère sept et évoque les familles de meuniers.
Les moulins de la haute vallée du Garon
Par Hubert GAUDIN, Marie-Laure GIRAUD SAUVEUR, Nathalie BLANC
À partir du Préinventaire et des cartes anciennes, nous parcourons les anciens moulins de Rontalon et de Thurins. Le moindre cours d’eau est utilisé, et sur les pentes, écluses, biefs, battoirs, tourneries etc. se multiplient. Les activités d’une foule de meuniers à travers les temps témoignent de la vie intense d’un terroir et de son exploitation dans les siècles passés. Une belle page d’histoire rurale.
Chanson de l’union des gazes à bluter
Par P. Dumas
La gaze à bluter, nécessaire à la meunerie, était fabriquée dans la région de Panissières. La chanson de banquet énumère avec humour les lieux, les postes de travail, les tâches et les petites tricheries. La bluterie est affirmée comme « l’avenir du pays ».
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