Numéro spécial : Chemin de fer entre Rhône et Loire Histoire de lignes et d’hommes.
Ce numéro de 208 pages est organisé en 10 chapitres. Un dépliant montrant des liens familiaux et des lignes est joint en encart.
Une préface de Paul DAVID et Pierre MATHIEU, auteurs principaux de ce numéro, décrit le cheminement de cette recherche historique.
C’est à partir de recherches sur une petite ligne de tramway reliant deux communes des Monts du Lyonnais : Chazelles-sur-Lyon et Saint-Symphorien-sur-Coise, que l’idée nous est venue d’aller plus loin dans la mise en lumière de la vocation pionnière en matière de chemins de fer de cette région située entre Rhône et Loire, ces deux grands fleuves français qui la bordent, le premier à l’Est et descendant au Sud pour rejoindre la Méditerranée, le second à l’Ouest et remontant au Nord pour se jeter dans l’Atlantique, non sans s’ouvrir dans son trajet, à Roanne, aux canaux successifs qui mènent à Paris, la capitale.
Mais d’abord il faut savoir qu’au début du XIXe siècle, les gens n’ont aucune des facilités d’aujourd’hui : voitures, bus, trains, avions, routes goudronnées, réseaux d’eau et égouts, électricité, téléphone, informatique, photo et cinéma, ni bien sûr, radio, télévision, etc. Les transports sont essentiellement individuels : à pied ou à cheval et, si collectifs, en voitures hippomobiles telles que diligences, qui peuvent atteindre au mieux une vitesse de 8 km/h avec l’amélioration progressive des routes, des suspensions et l’organisation de relais de poste. Il y a aussi les barques et les péniches sur les rivières et les canaux réalisant des moyennes de 2 km/h avec halage par des chevaux. Enfin, l’énergie mécanique est assurée par des hommes et les animaux, les moulins à eau et à vent, les voiles, les rames pour la navigation.
La France, avec sa Révolution qui a coupé beaucoup de têtes pensantes, puis avec Napoléon qui a commencé à réorganiser le pays tout en voulant par la guerre s’approprier l’Europe, aborde ce siècle avec un retard important sur d’autres pays européens. En particulier, un blocus empêche les contacts avec l’Angleterre qui, pendant plus de vingt ans, va progresser dans ses techniques et ses équipements. Après Waterloo en 1815, les relations vont pouvoir reprendre avec l’Angleterre, entraînant de nombreuses missions d’études dans ce pays.
Saint-Etienne est alors une petite ville qui prend de plus en plus d’importance en raison de la présence de mines de charbon qui doivent approvisionner les machines à vapeur faisant tourner une industrie naissante. Mais les exploitations fonctionnent de manière totalement désordonnée, et le transport de la houille est difficile. Vers le Rhône, il faut rejoindre, à Rive-de-Gier, le canal de Givors ouvert en 1781. Vers la Loire, il faut gagner le port d’Andrézieux. Cela se fait par tombereaux tirés par les animaux.
L’Empire va commencer à mettre bon ordre dans les exploitations stéphanoises à partir de 1812 en établissant des cartes de gisement, comme cela a été fait en 1809 en Sarre par Louis Antoine BEAUNIER, un fameux minéralogiste. Après Waterloo et la perte de la Sarre, le même ingénieur va être nommé à la tête du bassin minier de la Loire et créer une école des Mines. Attirée par le gouvernement et le minerai de fer trouvé aussi sur place, la famille anglaise JACKSON s’installe dans la région pour développer la production moderne d’acier. L’extraction du charbon explose du fait de la demande, et Saint-Etienne va vite produire la moitié de ce qui est nécessaire à la nation, mais il importe surtout de l’écouler.
Ainsi vont apparaître les trois premières lignes de chemin de fer à voie traditionnelle en France. Si la première, bien connue et reliant Saint-Etienne à la Loire, est créée par Louis Antoine BEAUNIER, la seconde va joindre la ville minière ligérienne à Lyon pour remplacer le coûteux canal de Givors. Elle va voir circuler les premières locomotives à vapeur équipées des chaudières multitubulaires de Marc SEGUIN, lui-même concepteur et constructeur de la ligne. Spécialiste pour enjamber les fleuves avec ses ponts suspendus, il montre à cette occasion son art pour traverser les montagnes avec des tunnels et franchir les vallées avec des viaducs, afin d’obtenir la plus faible et régulière pente possible, en fonction des contraintes imposées par un rayon de courbure limité pour les rails et le matériel roulant. Il sait à cette occasion s’entourer de chefs de travaux hors pair comme Lazare MANGINI. La troisième ligne, réalisée par MELLET et HENRY, va relier Andrézieux à Roanne et les canaux successifs qui mènent à Paris, et elle sera l’occasion de tester un concept de chemin de fer tout différent : relier deux villes par la ligne la plus droite possible indépendamment des accidents topographiques. Dans cette idée, on absorbe les reliefs avec des moyens mécaniques ou animaliers permettant de tracter les convois : on trouve ainsi sur cette ligne des treuils sur plans inclinés au long de son parcours.
Montbrison, préfecture de la Loire jusqu’en 1865, qui ne veut pas être en reste et désire participer à l’évolution des transports dans le département, va ouvrir la première ligne de tramway française à traction hippomobile pour rejoindre cette troisième voie ferrée à Montrond-les-Bains et tenter de garder le contact avec l’activité commerciale associée au charbon. Nous vous raconterons l’histoire de cette autre « première » française.
Les luttes entre les différentes compagnies ferroviaires du milieu de ce siècle vont encore bénéficier à la région, avec la création du syndicat du Bourbonnais, repris par le PLM, qui se charge de réaliser une ligne entre Roanne et Lyon par Tarare au lieu de passer par Saint-Etienne. Elle nécessitera des travaux gigantesques pour l’époque, avec notamment le percement du tunnel des Sauvages. La dimension humaine de ces exploits vous est narrée.
A cela se rajoutent les ambitions de la Compagnie des Dombes, propriété de la famille MANGINI, qui possède des mines à Sainte-Foy-l’Argentière et qui lorgne sur le transport de la pyrite extraite du côté de Sain Bel et veut aussi créer une grande ligne ferroviaire transversale entre l’Est et l’Ouest de la France. Lucien et Félix MANGINI ont l’expérience de leur père Lazare, l’aisance technique apportée par leurs études et la puissance financière de rapprochements familiaux. Ils vont remodeler la colline de Fourvière pour créer la gare Saint-Paul, d’où partira une ligne ferroviaire allant jusqu’à Montbrison, dans l’espoir d’atteindre plus tard Bordeaux. Les Monts du Lyonnais doivent beaucoup à cette ligne, trop vite mise partiellement hors service, avec la fermeture progressive des mines et la raréfaction des voyageurs.
Comme si cela ne suffisait pas, la situation ferroviaire originale de la région est encore renforcée par la tentative de mise en service du premier et unique monorail continental européen après celui, insulaire, ouvert en Irlande. Il voudrait relier Feurs, où passe la ligne Saint-Etienne – Roanne, à Panissières sur les Montagnes du Matin, un contrefort des Monts du Lyonnais, haut-lieu textile. Il faut croire que la région en a assez de l’originalité et d’une France qui ne cesse de tourner ses yeux vers elle, cette fois-ci pour rire. Il ne sera jamais inauguré, ne fonctionnera guère, pourtant son histoire mérite d’être contée.
Mais encore un peu plus tard, en 1890, pas très loin de là, derrière les Montagnes du Soir, qui forment les Monts du Forez, on voit apparaître le premier tramway électrique français, à Clermont-Ferrand, construit par Jean Baptiste CLARET, entrepreneur intimement associé à Lyon pour la reconstruction, en 1891, du pont du Midi (aujourd’hui pont Gallieni) remplaçant le pont SEGUIN datant de 1847 et pour la réalisation des bâtiments de l’exposition internationale de la ville en 1894, mais aussi futur associé des frères DURAND, trouvés plus loin.
Jean Baptiste CLARET est vite copié dans de nombreuses autres villes comme Brest ou Angoulême et Cherbourg, où l’on voit la traction électrique supplanter rapidement la traction animale ou à vapeur. On voit apparaître, là encore, des Lyonnais, comme l’électricien Alexandre GRAMMONT, pour réaliser ces lignes métriques posées à même les routes ordinaires. On découvre aussi un personnage particulier, originaire de Vaise, maire d’Eveux, obtenant des concessions successives de tramway pour les villes plus haut citées, mais aussi celle de cette petite ligne, le VCS1, reliant Chazelles-sur-Lyon, capitale des chapeaux, à Saint-Symphorien-sur-Coise, deux cités très actives au cœur des Monts du Lyonnais. L’homme, Etienne LAVAL, est très peu connu : nous tentons d’écrire son histoire. Il est suivi comme son ombre par ses deux beaux-fils, les frères DURAND, originaires de L’Arbresle, qui vont l’aider, puis le remplacer à sa mort. Ils vont vite former un groupe industriel important à partir de l’absorption de compagnies de tramways, comme celle de Jean CLARET avec les leurs tel le VCS, et vont s’orienter vers l’électricité, domaine développé par l’acquisition de multiples petites compagnies électriques. Leur ascension est extraordinaire, comme leur capacité d’adaptation.
Si l’expansion des tramways, apparus en cette fin de XIXe siècle, se poursuit au début du siècle suivant, celle-ci est freinée à la sortie de la Première Guerre mondiale, ne résiste pas à l’ascension de l’automobile et cesse après la crise financière de 1929. Si peu de villes en France n’avaient pas de tramway en 1920, fort peu en avaient encore à l’aube du second conflit mondial en 1939. Par contre, la production électrique française et la quantité des lignes pour la transporter vont augmenter de façon exponentielle et le groupe Durand assurera la commercialisation de près de 20% des besoins en 1946, après la Libération. Il fera ainsi partie des sociétés nationalisées, comme le groupe Mercier, pour créer EDF. Cette réussite industrielle mérite d’être exposée.
Il pourrait sembler que toutes ces petites histoires vécues entre Rhône et Loire sont une succession d’anecdotes locales. Il n’en est rien, et elles sont le plus souvent reliées entre elles par des familles et des hommes qui se connaissent bien et s’unissent dans tous les sens du terme pour un même projet et un même avenir. Ce canevas, qui a été pour nous une surprise grandissante au fil des recherches, vous est proposé à travers un dépliant, qui ne veut en rien être un arbre généalogique, mais un indicateur de relations familiales étroites entre les différents acteurs évoqués dans les nombreux articles.
Vous remarquerez au fil de la lecture des sujets développés par différents auteurs qu’une place importante est donnée aux hommes, à leur vie et leur passion : c’est notre but. Ils ont voulu vous faire vivre l’évolution ferroviaire et industrielle du XIXe siècle sous cet angle. Peu de place est donc donnée aux descriptions techniques des lignes ou des machines : c’est notre choix. Des auteurs et chercheurs plus qualifiés ont déjà réalisé ce travail. Citons notamment les travaux et livres de Gérard VACHEZ avec les Amis du Rail du Forez, ceux de Bernard LAVILLE ou de Joël de ROUVILLE avec L’Araire. Nombre des articles proposés portent aussi la marque des recherches de Maurice BERTHAULT.
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